Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite
papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle
de faire ses premiers pas comme écrivain public, car cette grand-mère,
une femme exigeante et sévère, lui a enseigné l'art difficile d'écrire
pour les autres.
Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l'encre, l'enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir : elle calligraphie des cartes de voeux, rédige un mot de condoléances pour le décès d'un singe, des lettres d'adieu aussi bien que d'amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin.
Et c'est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues.
Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l'encre, l'enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir : elle calligraphie des cartes de voeux, rédige un mot de condoléances pour le décès d'un singe, des lettres d'adieu aussi bien que d'amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin.
Et c'est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues.
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Série :
Éditeur : Editions Philippe Picquier
Date parution : 23/08/2018
Format : Ebook
Première page
J’habite une petite maison au pied d’une petite colline. C’est à Kamakura, dans la préfecture de Kanagawa, mais dans les terres, assez loin de la mer.
Avant, je vivais avec l’Aînée ; depuis sa disparition il y a trois ans environ, j’occupe seule cette vieille maison traditionnelle. Mais je ne me sens pas trop isolée car il y a toujours une présence aux alentours. Même dans ce quartier où, la nuit, c’est si calme qu’on se croirait dans une ville fantôme, au matin la vie reprend ses droits et l’on entend des voix s’élever ici et là.
Chaque jour, une fois que je me suis habillée et débarbouillée, je commence par mettre de l’eau à chauffer dans la bouilloire. Pendant ce temps, je passe un coup de balai dans la maison et je brique le parquet. Cuisine, véranda, salon, escaliers, je nettoie tous les sols les uns après les autres.
Lorsque l’eau se met à bouillir, je fais une pause pour remplir d’eau chaude la théière. Je me remets à frotter le parquet en attendant que le thé infuse.
Pendant que la machine à laver tourne, je m’assieds enfin dans la cuisine pour m’accorder un bon thé bien chaud. Un parfum aux notes fumées s’élève de ma tasse. Cela ne fait que très peu de temps que j’apprécie le thé vert kyô-bancha. Quand j’étais petite, je ne comprenais pas comment l’Aînée pouvait avaler une décoction de feuilles mortes. Maintenant, même en plein été, il me faut mon thé chaud le matin, sans quoi mon organisme n’arrive pas à se réveiller.
Je buvais mon thé en pensant à tout et à rien quand la petite fenêtre sur le palier de la maison d’à côté s’est lentement ouverte. C’était Madame Barbara, ma voisine de gauche. Elle a tout l’air d’être japonaise à cent pour cent, mais allez savoir pourquoi, tout le monde l’appelle ainsi. Peut-être a-t-elle vécu à l’étranger autrefois ?
— Bonjour Poppo !
Sa voix était aérienne, comme si elle surfait sur le vent.
— Bonjour ! ai-je répondu sur un ton plus aigu que d’habitude, comme elle.
— Encore une belle journée ! Viens donc prendre un thé, tout à l’heure. J’ai reçu du castella de Nagasaki.
— D’accord ! Bonne matinée à vous, Madame Barbara.
Se saluer d’une fenêtre à l’autre, entre le rez-de-chaussée et le premier étage, c’était notre rituel matinal. Chaque fois, je pense à Roméo et Juliette, et ça me fait sourire.
Au début, j’étais plutôt mal à l’aise. Parce que, imaginez un peu, j’entends tout ce qui se passe chez la voisine. Ses quintes de toux, ses conversations au téléphone et même, parfois, sa chasse d’eau. On croirait vivre ensemble sous le même toit. Pas besoin de tendre l’oreille pour tout savoir de l’autre.
Mais maintenant j’arrive à la saluer sans rougir. Cet échange avec Madame Barbara marque pour de bon le début de ma journée.
Moi, c’est Amemiya Hatoko.
C’est l’Aînée qui a choisi mon prénom.
Hatoko, « l’enfant des pigeons », à cause des pigeons du sanctuaire Tsurugaoka Hachiman-gû : le caractère chinois hachi est censé représenter deux pigeons serrés l’un contre l’autre. Du coup, du plus loin que je me souvienne, tout le monde m’a toujours appelée Poppo – comme les enfants surnomment les pigeons.
Qu’est-ce qu’il fait lourd dès le matin ! A Kamakura, l’humidité est terrible.
Le pain fraîchement cuit devient tout de suite caoutchouteux, et il moisit aussi ; même l’algue kombu, normalement cassante, ramollit.
Après avoir étendu le linge, j’ai sorti les poubelles sans attendre. Le point de collecte, qu’on appelle ici une « station », est situé au pied du pont qui enjambe la Nikaidô, la rivière qui coule au cœur du quartier.
Lu : Non
Chronique : Non
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