1908. Arsène Lupin a entamé une thérapie pour soigner son addiction au
cambriolage. Hélas pour lui, son médecin exige qu'il cesse de voler
pendant toute la durée de la cure. Le voilà contraint de trouver un
moyen honnête de payer les séances dont il espère sa guérison. Pour
cela, il ouvre une agence de détectives, l'agence Barnett. Sa première
cliente, la très riche Mme Bovaroff, se plaint qu'on lui a dérobé un
inestimable autoportrait de Delacroix, L'Homme au gilet vert. Surprise !
Voilà que l’œuvre réapparaît comme par magie sur le mur d'où elle avait
disparu, tandis que tous ceux qui l'ont eue entre les mains sont
assassinés les uns après les autres. On rencontre au milieu de tout cela
une ensorcelante danseuse orientale nommée Mata Hari, dont le charme
sera l'un des obstacles les plus dangereux que Lupin-Barnett aura à
surmonter. Dans les fastes de la Belle Époque, à travers une intrigue
riche en rebondissements, Frédéric Lenormand nous offre un Arsène Lupin
ivre d'astuce et de rouerie.
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Série
Éditeur : Le masque
Date parution : 10/10/2018
Format : Ebook
Première page
Arsène Lupin perd la partie
Le 15 février 1908, toute la presse du matin titra sur cette nouvelle extraordinaire : « Arsène Lupin arrêté ! », « Arsène Lupin en prison ! », « L’inspecteur-chef Ganimard met fin à la carrière d’Arsène Lupin ! »
L’ivresse de Ganimard n’aurait pas été plus étourdissante s’il avait nagé dans un bain de clairette de Die. Il accédait à la gloire immortelle des Vidocq, des La Reynie, de tous ses grands prédécesseurs montés comme lui de leur vivant à l’empirée. Sa joie était à peine ébréchée par les pénibles interrogatoires de l’ennemi public numéro 1.
— Alors, Lupin ? lança-t-il au prévenu assis sur un tabouret, de l’autre côté de son bureau. On a eu les yeux plus gros que le ventre ? On s’est jeté sur des bijoux impossibles à voler ?
— Pas exactement, puisque je les ai volés.
L’interpellé soutenait le regard inquisiteur du policier avec cette morgue impertinente qui le rendait si détestable aux autorités.
— Vu que nous tenons le voleur, rétorqua Ganimard, je ne doute pas que ces bijoux réapparaîtront bientôt en échange d’une petite remise de peine.
On prévoyait de lui accorder une remise d’un an sur sa perpétuité au bagne de Cayenne.
L’arrestation s’était opérée sur les lieux même de l’exposition, un salon de l’hôtel Meurice où les Parisiens se pressaient pour admirer les trésors du maharajah de Kolhapur.
Ainsi que Ganimard venait de l’expliquer à la presse rassemblée devant lui dans le hall du bâtiment, dès que Lupin avait annoncé son intention par voie de presse, la police avait pris des mesures aussi énergiques que subtiles. La surveillance avait été doublée. Les gardiens laissaient entrer comme on voulait, mais la sortie pouvait être bloquée à la moindre alerte. La fine opération avait payé ! Lupin, déguisé, avait été surpris alors qu’il venait de fracasser une vitrine dont il avait retiré les plus belles pièces. Celles-ci restaient encore introuvables, mais le délinquant n’avait pas eu la moindre chance de s’échapper.
En fin de compte, aux yeux de Ganimard, la perte des joyaux était un prix modique à payer pour mettre la main au collet du forban qui faisait régner la terreur chez tous les propriétaires de beaux objets. Les bijoutiers pouvaient enfin souffler. Même la compagnie d’assurances tenue de rembourser le maharajah n’avait pas protesté trop vivement : elle se rattraperait sur les indemnités qu’elle n’aurait pas à verser dans les prochaines années, puisque le principal cambrioleur de France était sous les verrous.
Pour l’heure, le bandit assis sur le tabouret d’infamie n’avait pas la mine contrite d’un délinquant pris dans les serres de la justice.
— Vous ne m’avez pas arrêté, Ganimard : vous m’avez permis de commettre ce vol.
— Un peu moins de prétention, Lupin ! Tu t’es fait serrer, c’est tout ! Depuis quand les perdants réécrivent-ils l’histoire ?
— Depuis que les gagnants ne voient pas qu’ils ont perdu.
Mais Ganimard n’écoutait pas. Cette victoire était une revanche pour la police de France bernée depuis dix ans par cet insolent, elle consacrait la supériorité naturelle des forces de l’ordre sur celles du chaos ricaneur. Ce prévenu était atteint d’une sorte de délire particulier et urticant. La société avait prévu des endroits pour les hallucinés et, dans le cas présent, ce serait un marécage planté d’arbres tropicaux du côté de l’Amazonie.
Restait à récupérer le butin pour que la victoire soit complète. Seule Son Altesse Sérénissime Shahu, prince régnant de Kolhapur, ne partageait pas l’euphorie générale. Shahu regrettait des pierreries qui étaient l’emblème traditionnel de son pouvoir. Il avait fait intervenir la diplomatie britannique, soucieuse de ne pas agiter le bocal indien. Au reste, ses intérêts rejoignaient ceux de la police française, qui désirait ardemment savoir de quelle façon le malandrin s’y était pris pour escamoter le magot. Pressé de s’expliquer, Lupin accepta non seulement de réitérer la manœuvre en présence des magistrats, mais aussi de restituer le produit du cambriolage sur la promesse de ne pas être envoyé au bagne. On lui répondit oui en pensant non, et en avant la procédure ! Deux semaines seulement après l’arrestation, la justice organisait une reconstitution qui allait permettre de clore le dossier.
Lu : Oui
Chronique : Oui
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