New Jersey, 1916. Des jeunes femmes sont incarcérées à la prison de
Hackensack sous les chefs d'inculpation les plus discutables : «
insoumission », « sédition », ou encore « dépravation morale ». La place
d'Edna Heustis, une patriote partie de chez elle pour travailler dans
une usine de munitions, est-elle vraiment derrière des barreaux ? Et
Minnie Davis mérite-t-elle d'être expédiée dans un camp de redressement
fédéral parce qu'elle a fugué ? Oui, selon les lois - et la morale - de
l'époque. Pour défendre ces femmes, Constance Kopp, adjointe au shérif,
use de son autorité, et parfois même l'outrepasse. Mais c'est sa propre
soeur Fleurette, par qui le scandale va arriver, qui testera la force de
ses convictions quant à la manière dont une femme doit, ou ne doit pas,
se comporter...
Avec autant d'humour que de talent, Amy Stewart continue de dérouler la
passionnante histoire, inspirée de faits réels, des sœurs Kopp, et
surtout de Constance, l'une des toutes premières femmes à avoir exercé
la fonction de shérif adjointe aux États-Unis.
Lire maintenant |
Série : Les sœurs Kopp Tome 3
Éditeur : 10/18
Date de parution : 21/06/2018
Format : Ebook
Première page
Le matin de son arrestation, Edna Heustis se leva de bonne heure et fit son lit. Elle occupait la plus petite des chambres meublées de Mrs. Turnbull, à peine plus qu’une alcôve sous les toits, juste assez d’espace pour un lit et une table de toilette. Quelques crochets au mur accueillaient l’intégralité de sa garde-robe : deux tenues de travail, une robe du dimanche et un manteau d’hiver. L’unique décoration, une image de voilier, avait été fournie par Mrs. Turnbull et, en guise de lecture, la logeuse lui avait déniché une histoire des lacs italiens, une introduction à l’art égyptien et un récit rédigé par une femme de général décrivant la vie des militaires dans les plaines de l’Ouest. Ces livres étaient posés sur une petite étagère à côté d’une lampe à huile, mais Edna préférait descendre lire au
salon, sous la seule ampoule électrique de la maison, vouée à cet usage.
Manquaient à ses possessions des photographies et des souvenirs. Elle était partie si vite qu’elle n’avait pas pensé à en emporter. Elle avait, des semaines durant, frappé aux portes des usines et, quand la contremaîtresse de la poudrerie DuPont, à Pompton Lakes, avait consenti à l’embaucher, elle était aussitôt retournée chez elle, avait rassemblé le peu d’affaires qu’elle pouvait transporter et s’était glissée dehors par la porte de derrière pendant que sa mère vaquait à ses occupations dans la cuisine.
Edna avait beau être une jeune fille calme et sérieuse, elle avait grandi entourée de frères et possédait, de ce fait, le goût de l’aventure. La guerre en Europe faisait rage, et tous les jeunes Américains rêvaient de partir se joindre aux combats. Si l’on pouvait faire quelque chose pour ceux qui se battaient, et si ce quelque chose était permis aux femmes, Edna avait hâte de commencer. Le jour de son départ, elle n’avait laissé qu’un court message :
Partie travailler pour la France à Pompton Lakes. Ai trouvé une place dans une bonne pension,ne vous faites pas de souci pour moi.
Pour la bonne pension, c’était vrai. Mrs. Turnbull ne louait ses chambres qu’à de jeunes ouvrières de l’usine de poudre, et elle imposait une politique très stricte de couvre-feu et de messe obligatoire le dimanche. En matière de discipline, elle se révélait bien plus sévère que la mère d’Edna, mais la jeune fille s’en accommodait. Elle se disait que la vie dans une pension de ce genre ressemblait à l’existence que menaient les soldats et elle se plaisait à imaginer que le ménage qu’elle effectuait chaque matin dans sa chambre – border les draps, plier le couvre-lit, ranger ses pantoufles et sa chemise de nuit, poser sa brosse à cheveux et son peigne bien alignés à côté de la cuvette – s’apparentait, d’une certaine façon, aux tâches requises dans le quotidien des militaires, que ses frères étaient si impatients de se voir imposer.
La France paraissait toutefois fort lointaine, ce matin-là, lorsque Edna enfila sa blouse de travail, se lava le visage dans la vasque et se hâta de descendre prendre son petit déjeuner. Dans l’office étroit qui tenait lieu de salle à manger, Mrs. Turnbull avait posé sur la table du porridge et de la compote de pommes.
Lu : Oui
Chronique : Non
A lire du même auteur :
Tome 2 |
Tome 1 |
Commentaires
Enregistrer un commentaire