Qui se méfierait de Luce et de Chirine, deux vieilles dames aux airs de
respectables grands-mères ? Pourtant, à 80 ans, elles viennent de
commettre un meurtre, l’air de rien… Mais pourquoi ? Pour qui ?
Tandis que Chirine se retranche dans le mystère, Luce déroule ses mille vies, comme si elle avait attendu ce moment depuis des années...
Une comédie sensible et attachante, où Nicole Jamet, co-scénariste entre autres, de la série Dolmen, dénonce la cruauté de notre société et fait l’éloge de la liberté.
Auteur : Nicole Jamet
Série :
Éditeur : Albin Michel
Date parution : 02/05/2018
Format : Ebook
Première page
Tandis que Chirine se retranche dans le mystère, Luce déroule ses mille vies, comme si elle avait attendu ce moment depuis des années...
Une comédie sensible et attachante, où Nicole Jamet, co-scénariste entre autres, de la série Dolmen, dénonce la cruauté de notre société et fait l’éloge de la liberté.
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Auteur : Nicole Jamet
Série :
Éditeur : Albin Michel
Date parution : 02/05/2018
Format : Ebook
Première page
Luce avait toujours eu de la force dans les mains, sans quoi elle n’aurait jamais
réussi à étrangler Jean. Lorsqu’elle sentit la glotte craquer sous ses doigts, elle
réprima un soupir, c’était assez pénible, sa victime était plus coriace qu’elle l’avait
pensé. Ce type ne lui avait pourtant rien fait, sinon provoqué l’évidence qu’il était
la honte de l’espèce, une sale bête, elle en était sûre, bien qu’elle ne sache quasiment
rien de lui.
La pensée l’effleura alors qu’elle avait toujours cru aimer son prochain. Sincèrement.
Son premier mouvement envers autrui était spontanément curieux et confiant. Avec le
temps et quelques désillusions, elle était devenue plus prudente, elle fonctionnait
comme le permis à points. À chaque infraction commise, l’examen pour regagner sa confiance
pouvait durer des années et même ne jamais aboutir, mais elle ne gardait pas de rancune.
Juste la mémoire des faits et des attitudes.
En choisissant leur victime Luce avait vaguement songé à
Raskolnikov. Dostoïevski
avait au moins prêté à son pauvre Rodion un projet intellectuel pour décider de supprimer une vieille ordure,
mais rien de cela pour elle. Juste une nécessité personnelle, un but prosaïque sans
aucune garantie de réussite.
La victime eut un tremblement, les soubresauts du futur cadavre réveillèrent son arthrose.
Pas facile de débuter une carrière d’assassin à plus de quatre-vingts ans, se dit-elle,
non par cynisme, mais avec un détachement proche de l’ennui. La voix rauque de Chirine
émergea alors du vieux manteau de skons dans lequel son amie était réfugiée.
– Ça n’en finit pas.
Se dégageant à peine de sa fourrure râpée, Chirine jeta avec dégoût un mouchoir sur
le visage du mourant. Ce n’était pas le regard exorbité de l’homme qui la gênait,
bien qu’il la fixât avec une expression hallucinée, mais la langue incroyablement
longue qu’il sortait de manière obscène.
Il y eut un nouveau craquement sous les doigts crispés de Luce et elle sentit un long
frémissement parcourir le corps du vieux.
– C’est bientôt fini, affirma-t-elle. Il va devenir tout mou.
– Comment tu sais ça, toi ? s’étonna Chirine.
– Les poules.
À la ferme, dès qu’elle avait eu sept ans, la vieille Berthe avait dressé Luce à tuer
les bêtes. Elle n’avait jamais oublié la première.
Lu : Non
Chronique : Non
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